chaque printemps commence ainsi, avec ces horoscopes énormes et enivrants et qui ne sont pas à la mesure d'une seule saison;
chaque printemps il y a tout ceci (disons-le une bonne fois) : cortèges et manifestations interminables, révolutions et barricades :
chaque printemps est à un moment donné traversé par un vent chaud d'acharnement, une tristesse, un enchantement sans bornes qui cherche en vain son équivalent dans la réalité.
plus tard, ces exagérations et apogées, amoncellements et extases entrent en floraison, se fondent dant l'exubérance des feuillages qui bougent dans les jardins printaniers la nuit, et le bruissement les absorbe.
ainsi les printemps se renient, plongés dans le murmure essouflé des parcs en fleurs, dans des crues et marées ; ils oublient leurs serments, perdent une à une les pages de leur testament.
seul ce printemps-là eut le courage de durer, de rester fidèle, de tenir toutes ses promesses.
aprés tant de malheureuses tentatives, envols, incantations, il voulut enfin s'établir vraiment, faire exploser à travers le monde un printemps général et définitif.
vent, ouragan d'évènements : le coup d'état réussi, journées pathétiques, splendides, triomphales !
je voudrais que le déroulement de mon histoire saisisse leur rythme entraînant, qu'il prenne le pas et le ton héroïques de cette épopée, une marseillaise printanière !
insondable est l'horoscope du printemps.
celui-ci apprend à le lire de cent manières à la fois, cherche à l'aveuglette, syllabise dans tous les sens, heureux lorsqu'il réussit à déchiffrer quelque chose au milieu des supputations trompeuses des oiseaux.
il lit ce texte à l'endroit et à l'envers, perdant le sens et le retrouvant , dans toutes ces versions, en des milliers d'alternatives, de trilles et de gazouillis.
son texte est tout entier composé d'elipses, de points de suspension tracés sur l'azur vide, et dans les creux entre les syllabes les oiseaux glissent leurs conjectures capricieuses et leurs prévisions.
c'est pourquoi mon histoire, à l'exemple de ce texte, suivra plusieurs cours ramifiés et sera tissée de traits d'union, de soupirs et de phrases inachevées.
le printemps - bruno schulz